Remaniement : L’urgentiste François Braun, ministre de la Santé avec à ses côtés une pharmacienne nommée ministre déléguée aux professions de santé.
Très attendue, la composition du nouveau gouvernement constitué de 41 ministres et secrétaires d’État a été dévoilée ce lundi 4 juillet. Dans ses rangs, à Ségur, le Dr François Braun est nommé ministre de la Santé et de la prévention.
Il sera épaulé par deux ministres délégués : Agnès Firmin Le Bodo, pharmacienne de formation et députée depuis 2017 est ainsi nommée ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des professions de santé. Le Dr Geneviève Darrieussecq, ancienne ministre des anciens combattants devient ministre déléguée chargée des personnes âgées. Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix Rouge est promu ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées en remplacement de Damien Abad.
Le Dr Braun succède à Brigitte Bourguignon qui a perdu les élections législatives dans la 6e circonscription du Pas-de-Calais en accusant un retard de 56 voix par rapport à la candidate du Rassemblement National Christine Engrand.
Un urgentiste au chevet des urgences
Patron du syndicat SAMU Urgences de France et chef du service des urgences du CHR de Metz-Thionville, François Braun s’était illustré en 2018 avec le « No bed challenge », initiative consistant à répertorier le nombre de patients qui avaient dû passer la nuit sur un brancard dans un service d’urgence, faute d’un lit d’aval disponible. Plus récemment, c’est à lui que le Président de la République confiait la « mission flash » sur les urgences. Il a remis vendredi dernier son rapport à la première ministre, qui a validé les 41 propositions qu’il contenait (Télécharger le rapport) .
Une des mesures phares avancées par cette mission consisterait à filtrer l’entrée des urgences par une régulation médicale en amont des urgences. Le rapport affirme en effet que 4 personnes sur 10 qui se présentent dans un service d’urgence pourraient être prises en charge différemment, soit par un autre professionnel de santé en ville, soit par une admission directe dans le service d’hospitalisation approprié.
Face au mur, le corporatisme médical appuie sur l’accélérateur
Pour désengorger les urgences, mieux organiser le premiers recours en y impliquant notamment les infirmiers libéraux relèverait tout simplement du bon sens. Présents sur tout le territoire, ils disposent déjà d’une organisation robuste leur permettant d’assurer la continuité des soins 7j/7. On pourrait sans perdre de temps réfléchir à leur implication dans la permanence des soins non programmés en appui des médecins généralistes, à condition d’envisager une rémunération de la permanence des soins et de définir certaines modalités d’accès direct.
Mais cette hypothèse est déjà largement contestée par les ténors des urgences dont Patrick Pelloux, président de l'AMUF (Association des Médecins Urgentistes de France) dans sa réaction sur France Inter : « Ce rapport contribue à casser l'hôpital public qui va être remplacé par un grand standard où les gens ne verront plus de médecins, mais des soignants qui auront des délégations de tâches. Cela va conduire à encore plus d'exclusion, d'inégalités et à une baisse radicale de la qualité des soins. »
L’ordre des médecins met le turbo
Fraîchement élu à la tête du Conseil national de l’Ordre des médecins, la position du Dr François Arnault laisse peu de place à la modernisation des équipes de soins primaires et au partage de compétences pour pallier au déficit de médecins dans bon nombre de territoires.
Interrogé sur cette actualité brulante lors de sa conférence de presse le 29 juin, l’ORL de 70 ans a confirmé que six millions de Français n’ont plus de médecin traitant et que 120 services d'urgence sont fragilisés ou en détresse, « Il est indispensable de trouver des modes de coopération entre professionnels de santé » a-t-il plaidé.
Pour autant, le président de l’ordre n’imagine pas un schéma d’organisation de l’offre de soins autrement que sous le guidage du médecin, « Oui aux délégations de tâches protocolisées, mais non à l’accès direct aux paramédicaux, nous n’y sommes pas favorables, il faut que l’entrée dans le soin se fasse d’abord par le médecin » a martelé l’ORL.
La rengaine des Infirmière de Pratiques Avancées (IPA)
Dans un système de santé aussi sclérosé par le corporatisme médical, à défaut de permettre aux auxiliaires médicaux libéraux, toutes professions confondues, d’assurer la portabilité des compétences qu’ils ont acquises, il y a fort à parier qu’on ne retiendra au final de ce rapport que de vagues incantations visant à économiser du temps médical utile.
Il en va ainsi de l’axe N°4 « Redonner du temps aux soignants en ville ». Les médecins libéraux seraient submergés de contraintes bureaucratiques dont l’intérêt reste à prouver. Alléger ces contraintes, qui pèseraient selon les professionnels jusqu’à 25% de leur temps, permettrait de libérer du temps de soins et, potentiellement, de prendre en charge plus de patients pour les soins non programmés.
Il faudrait donc faciliter auprès des médecins le développement des exercices aidés qui devront entre autres alléger les contraintes administratives : assistants médicaux, formation des secrétaires médicales et le must : mettre à leur service des infirmières de santé publique, alors que bon nombre de fermeture de lits hospitaliers sont justifiés par l’impossibilité de recruter des infirmières, cherchez l’erreur !
Enfin et il fallait oser, plutôt que d’intégrer les infirmiers libéraux comme faisant partie de la solution, le rapport entonne la rengaine de la mise en place d’IPA de premier recours et de leur reconnaissance y compris financière. Le fait que ces derniers soient à peine 150 en ville pour relever le défi n’a semble-t-il pas suscité plus de doutes qu’il n’y parait pour l’auteur du rapport, futur ministre de la santé et de la prévention.
Mais la solution aux déserts médicaux viendra peut-être de la nouvelle ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des professions de santé. Deuxième à prononcer un discours cet après-midi lors de la passation de pouvoir, la pharmacienne et députée du Havre, Agnès Firmin Le Bodo, a confié qu’elle vaccinait et testait le matin même, à 8 h 30, dans sa pharmacie, quand elle a appris sa nomination.
Aurélien Larisot